Successeur de l'Atlantic, l'avion de patrouille maritime français Atlantique 2 est en service depuis 20 ans. Cet appareil de Bréguet-Dassault-Breguet a été livré à 28 exemplaires à la Marine nationale entre juillet 1989 et novembre 1997. Après la sortie de piste d'un avion, en janvier 2007 sur la base d'aéronautique navale de Lann-Bihoué, seuls 27 ATL2 sont encore en service, l'appareil endommagé étant cannibalisé au profit des autres.
L'Atlantique 2 affiche une autonomie maximale de 14 heures, soit 3000 nautiques franchissables. Long de 31.7 mètres pour une envergure de 37.5 mètres, il présente une masse maximale de 46 tonnes (25 à vide) et est armé par un équipage de 13 hommes.
Conçu pour la lutte anti-sous-marine et antinavire, l'Atlantique 2 est devenu un appareil très polyvalent. En dehors de sa mission principale, qui consiste à protéger les sous-marins de la force océanique stratégique (FOST), l'appareil participe à la surveillance et à protection des approches maritimes, à la lutte contre les trafics illicites et la piraterie, aux missions de recherche et de sauvetage, ainsi qu'au renseignement et à l'appui des troupes terrestres engagées en Afrique. Après deux décennies de service, le ministère de la Défense a décidé de lancer un important programme de modernisation, qui vise à prolonger de 20 ans l'existence de ces avions.
Traiter les obsolescences
La modernisation des ATL2 se déroulera en deux phases, l'une sur l'actuelle loi de programmation militaire (2009-2014), et la seconde sur la LPM suivante (2015-2020). Elle a pour objectif de permettre un emploi opérationnel de l'avion jusqu'en 2030. Dès 2009, des études ont été lancées afin de définir le contenu de la modernisation et la faisabilité des améliorations souhaitées. La première phase du programme sera notifiée cette année, permettant ainsi de lancer les travaux de définition. Cette première phase sera, d'abord, consacrée au traitement des obsolescences. Il s'agira de redonner du potentiel au calculateur central de contrôle de mission, qui arrive aujourd'hui à saturation. Au fil des années, diverses évolutions ont, en effet, été apportées, comme la liaison de données L11 en 1998 et l'intégration de la nouvelle torpille légère MU90 à partir de 2007 (pour une mise en service en 2010). Ces ajouts ont, de fait, limité progressivement les ressources du calculateur. Le choix d'un nouvel équipement devra être fait, en collaboration avec Dassault et Thales, ainsi qu'avec les équipes du Service Industriel d'Aéronautique (SIAé). Les marins et les ingénieurs de la DGA se donnent un an pour définir la base de la nouvelle architecture et le bon calculateur.
Adoption des règles OACI
L'aéronautique navale a, en parallèle, entrepris la mise aux normes OACI (Organisation de l'Aviation Civile Internationale). L'adoption de ce standard par l'ATL2 va lui permettre, comme n'importe quel avion de ligne moderne, de naviguer librement dans les espaces aériens internationaux, sans avoir besoin de dérogation. Cette évolution était devenue nécessaire afin de faciliter le déploiement des appareils à l'étranger, notamment pour les transits au Proche-Orient, région survolée pour rejoindre par exemple Djibouti. Les travaux concernent le poste de pilotage, avec une précision accrue des instruments de navigation et un système d'identification des avions. L'ATL2 sera, notamment, doté d'un système anti-abordage automatique TCAS (système anticollision basé sur les informations renvoyées par les transpondeurs). Le passage aux normes OACI constitue une rénovation profonde, visant à adapter des matériels récents à un appareil d'ancienne génération. Les essais en vols sur l'ATL2 n°12 ont débuté en juin dernier, à Istres, chez Dassault Aviation. Ils devraient s'achever, à l'été 2010.
Moderniser le système acoustique
Le premier grand chantier de la phase 1 de rénovation portera sur le sous-système acoustique, qui donne la capacité et la performance de l'avion dans le domaine de la lutte anti-sous-marine. Lorsqu'il est déployé, l'ATL2 largue des bouées acoustiques dont le but est de détecter les sous-marins en mode actif ou passif (soit en émettant des ondes qui se répercutent sur la coque, soit en écoutant les bruits générés par le bâtiment). En surface, ces bouées émettent des signaux en VHF qui sont captés par l'avion, traités par un calculateur et présentés sur des baies acoustiques, où les informations sont visualisées par les opérateurs. Le système actuel de l'Atlantique 2 n'autorise pas la mise en oeuvre de toutes les catégories de bouées acoustiques disponibles. La rénovation aura donc pour but de pouvoir déployer les nouvelles bouées numériques, dont la première caractéristique est une augmentation de la portée de détection. Elle devra également permettre de développer le concept de « multi-statisme », dans lequel les capteurs ne travaillent plus seuls mais en réseau. Les différentes bouées travailleront ensemble et pourront passer alternativement du mode passif au mode actif, permettant d'optimiser la détection. Outre l'avion et ses moyens, le multi-statisme s'étendra à d'autres porteurs, comme les bâtiments de surface dotés de sonars. En associant tous ces capteurs, les capacités seront, par conséquent, démultipliées.
Après la phase des études de définition, qui va donc se dérouler en 2010, la réalisation débuterait début 2011. L'objectif, pour cette première étape de la rénovation, est de disposer d'une capacité à l'horizon 2014.
La seconde phase à partir de 2015
La seconde phase de la rénovation des Atlantique 2 se déroulera donc au cours de la LPM 2015-2020. Elle porte sur quatre grands axes : Le radar, la veille et l'identification infrarouge (FLIR), les communications et les liaisons de données tactiques, ainsi que l'autoprotection.
Le radar et le système FLIR seront les premiers concernés. Le radar Iguane verra ses obsolescences traitées et ses capacités augmentées. Conçu dans les années 80, cet équipement, optimisé pour la surveillance maritime, est encore considéré comme un bon système, capable notamment de détecter de petits mobiles évoluant en surface. Dans le cadre de la rénovation, la marine souhaite développer les capacités de détection radar des ATL2 sur petit écho par mer forte et pour les opérations littorales (discrimination plus importante). En la matière, les besoins sont en train d'être affinés, des études poussées sur le radar devant notamment déterminer le niveau de vieillissement des différents modules et sous-systèmes.
Alors que le système FLIR sera lui aussi modernisé avec une voie jour, l'ATL2 doit recevoir une liaison L22 ou L16, tout en voyant ses moyens d'autoprotection améliorés. Actuellement, l'appareil met uniquement en oeuvre des leurres. L'objectif sera de le doter d'un véritable système, avec un détecteur de missile et la possibilité pour le calculateur de déclencher automatiquement le lancement de leurres EM (électromagnétique) ou IR (infrarouge). L'objectif de la marine est de débuter la phase de réalisation en 2015, afin de disposer de ses nouveaux avions vers 2017/2018. Dans ce planning, le niveau d'obsolescence du radar au cours de cette décennie sera dimensionnant.
Enfin, il est intéressant de noter que la marine va renouveler avec SNECMA un contrat de maintien en condition opérationnelle concernant la motorisation. L'aéronautique navale souhaite, en effet, s'assurer que les turbopropulseurs Rolls-Royce Tyne Mk21, dont sont dotés les ATL2, pourront bien être maintenus jusqu'en 2030 au moins. Cette question est d'autant plus sensible que les C-160 Transall de l'armée de l'Air, également équipés de ce moteur, seront désarmés à l'horizon 2020.
22 avions concernés
Le programme de rénovation de l'Atlantique 2 concernera, en tout, 22 des 27 appareils actuellement en parc. On notera d'ailleurs que ce format est, au niveau de la maintenance, déjà adopté depuis 2002. Comme c'est déjà le cas aujourd'hui, toute la flotte ne sera pas en ligne. Entre 7 et 8 appareils sont, en permanence, en attente. Conservés dans la chaine de maintenance et de préparation, ils tournent avec les avions en ligne de manière à homogénéiser leur vieillissement.
Les 5 ATL2 qui ne bénéficieront pas de la modernisation seront stockés, pouvant être en cas d'urgence cannibalisés au profit des autres. Ils pourront, également, faire l'objet d'une cession auprès d'un pays étranger. Ils ont vocation à long terme à être désarmés.
On notera par ailleurs que la rénovation des Atlantique se déroulera en marge du regroupement des flottilles 21 F et 23 F sur la BAN de Lann-Bihoué. Les appareils basés jusqu'ici à Nîmes-Garons quitteront en effet le Gard à l'été 2011 pour rejoindre le Morbihan. L'unique base des ATL2 verra ses équipements adaptés à la modernisation des appareils, avec une rénovation du simulateur de pilotage et de l'ensemble des moyens de simulation tactique, ainsi que du système de préparation et de restitution des missions.
De la protection des SNLE à la lutte contre la piraterie
Les avions de patrouille maritime français ont, d'abord et avant tout, été conçus pour faire partie intégrante du dispositif de dissuasion nucléaire, dont ils assurent l'efficacité et la crédibilité. Disposant d'un long rayon d'action et de moyens de détection et d'écoute spécifiques, les PATMAR ont pour mission, en collaboration avec les unités de surface (et les hélicoptères embarqués), de débusquer les sous-marins ennemis et, éventuellement, de les détruire. Lors des départs en missions ou des retours de patrouille des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) basés à l'Ile Longue, ils participent au dispositif destiné à sécuriser l'évolution du SNLE sur le plateau continental, avant que celui-ci gagne les grands fonds ou retourne à sa base. Dans ce cadre, ils travaillent en coopération avec les bâtiments de surface (frégates, chasseurs de mines) et éventuellement un sous-marin nucléaire d'attaque (SNA).
Les avions de patrouille maritime sont, aussi, l'un des moyens permettant de mesurer les performances des sous-marins, non seulement étrangers, mais également nationaux. En matière de détection passive, la PATMAR calibre l'efficacité et la discrétion des sous-marins, qui viennent se confronter à elle lors des exercices.
Mais l'Atlantique 2 remplit également d'autres missions. Apte à la lutte antinavire grâce à l'emport du missile AM 39 Exocet, il sert également au sauvetage en mer et à la surveillance des espaces maritimes, ainsi qu'à l'identification de navires. L'appareil est, ainsi, engagé dans la lutte contre la piraterie ou le narcotrafic. Pour cela, ses capteurs, spécialement conçus pour repérer de petits mobiles et des embarcations rapides, sont très précieux. En océan Indien, les ATL2 ont pu, ainsi, repérer des bateaux pirates et guider les forces navales afin de mener des interceptions. Lorsque des navires étaient pris en otage, leur action a permis de suivre, de jour comme de nuit, l'évolution de la situation.
Soutien aux forces terrestres et aux forces spéciales
Ces dernières années, l'avion de patrouille maritime a, en parallèle de ses missions traditionnelles, vu son rôle croître dans les opérations terrestres, essentiellement en Afrique. Des détachements permanents opèrent, ainsi, depuis le Sénégal ou Djibouti. Il y a un an, les évènements qui ont secoué le Tchad ont donné une bonne idée de l'utilité de l'ATL2 dans ces missions. Lors des affrontements entre l'armée nationale tchadienne et les rebelles, l'aéronautique navale avait renforcé les rangs des éléments français au Tchad en déployant plusieurs avions Atlantique 2 dans la région. Les équipages ont été les yeux du commandant des éléments français (COMELEF), survolant à rythme soutenu les zones de combats et contribuant, par leur polyvalence et leurs multiples capteurs, à l'établissement de la situation au sol et à la maîtrise de l'information.
Dans ce territoire fait de roche et de sable, lardé de pistes et d'ouadis à sec, leurs moyens de détection se révèlent précieux. Véritables PC volants, ils s'adaptent également parfaitement aux reconnaissances au dessus du sol et au guidage de chasseurs-bombardiers vers leurs cibles. A l'été 2008, les ATL2 ont même reçu une nouvelle capacité, étant certifiés pour pouvoir embarquer une bombe de 250 kilos à guidage laser GBU-12. Ils n'embarquent toutefois par le système de désignation laser, la cible devant être « illuminée » par les unités au sol ou un autre appareil.